Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

l'étrangère

  • ARAGON - 30 ANS : L'Etrangère. Le Roman inachevé (1956).

    etrangère.jpgIl existe près des écluses

    Un bas quartier de bohémiens

    Dont la belle jeunesse s'use

    À démêler le tien du mien

    En bande on s'y rend en voiture,

    Ordinairement au mois d'août,

    Ils disent la bonne aventure

    Pour des piments et du vin doux.

     

    On passe la nuit claire à boire

    On danse en frappant dans ses mains,

    On n'a pas le temps de le croire

    Il fait grand jour et c'est demain.

    On revient d'une seule traite

    Gais, sans un sou, vaguement gris,

    Avec des fleurs plein les charrettes

    Son destin dans la paume écrit.

     

    J'ai pris la main d'une éphémère

    Qui m'a suivi dans ma maison

    Elle avait des yeux d'outremer

    Elle en montrait la déraison.

    Elle avait la marche légère

    Et de longues jambes de faon,

    J'aimais déjà les étrangères

    Quand j'étais un petit enfant !

     

    Celle-ci parla vite vite

    De l'odeur des magnolias,

    Sa robe tomba tout de suite

    Quand ma hâte la délia.

    En ce temps-là, j'étais crédule

    Un mot m'était promission,

    Et je prenais les campanules

    Pour des fleurs de la passion.

    À chaque fois tout recommence
    Toute musique me saisit,
    Et la plus banale romance
    M'est éternelle poésie
    Nous avions joué de notre âme
    Un long jour, une courte nuit,
    Puis au matin : "Bonsoir madame"
    L'amour s'achève avec la pluie.