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cinéma

  • Bertrand Tavernier : "Que le spectateur soit le locataire du Quai d’Orsay"

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    Dominique 
de Villepin fut 
un ministre facile à caricaturer. À la suite de la BD de Lanzac et Blain, Bertrand Tavernier s’est emparé de cette comédie. Rencontre avec 
le réalisateur.

    Avec cette transposition à l’écran 
du travail 
de Christophe Blain 
et Antonin Baudry, vous faites appel pour la première fois à un matériau relevant de la bande dessinée. Est-ce exact ?

    Bertrand Tavernier. J’ai lu la bande dessinée, cette bande dessinée, mais quand je fais un film, c’est sur un coup de cœur. Je ne me pose pas la question de l’origine du matériau. J’ai envie de faire le film, je le fais. C’est vrai d’un sujet historique comme la Princesse de Montpensier, qui était inspiré de la nouvelle éponyme de madame de La Fayette, mais ce l’était tout autant de L. 627, qui se déroulait presque entièrement dans un Algeco, tandis que l’histoire était coécrite par l’ancien policier Michel Alexandre. Ce n’est que longtemps après qu’on analyse les raisons qui ont conduit à nos choix. En l’occurrence, ce à quoi il faut veiller est l’erreur de sujet. Ici, je voulais m’intéresser à un cabinet ministériel, donc aux gens qui ont la tête dans le cambouis, là où les médias ne s’intéressent qu’aux gens qui parlent. Il fut un temps où, pour certains, avoir son nom dans les journaux était un signe de déshonneur. Voyez le personnage de Maupas (Niels Arestrup), les moments où il va parler sont minimaux. Je voulais avoir une justesse de ton par rapport à la période que l’on décrit – 2002 –, pensant que cette justesse continuerait à s’appliquer au-delà de l’époque. J’ai connu le chef de cabinet de Laurent Fabius. Il y a des moments qui perdurent, la différence étant que, moi, je n’ai pas fait envoler des paquets de feuilles (gag récurrent du film – NDLR).

    Vous a-t-on laissé l’accès 
aux décors, ou tout a-t-il 
dû être reconstitué en studio ?

    Bertrand Tavernier. Nous avons tenu à payer pour l’emploi des décors naturels. J’avais en mémoire le studio qui est installé à la Maison-Blanche, où l’on trouve une copie conforme du bureau du président, qui est juste à côté de l’original. Cela a permis de payer la réfection des toitures. Le Quai d’Orsay a été facilement accessible car le cinéma y a toujours été l’objet d’une politique de continuité, que ce soit la gauche ou la droite qui soit aux commandes. Juppé ou Toubon ont été des ministres de droite, mais ils ont pris des positions très fortes contre le Gatt (accord général sur les tarifs douaniers et le commerce  –  NDLR). En fait, on aimerait que le président actuel soit aussi ferme contre Barroso.

    Votre travail semble relever du film à clef. Qui doit-on identifier ?

    Bertrand Tavernier. Aucun personnage n’est connu, sauf le ministre, Alexandre Taillard de Worms dans le film, que joue Thierry Lhermitte et dans lequel il est facile de retrouver Dominique Galouzeau de Villepin. Les autres sont des anonymes qui travaillent dans les soutes sans compter leurs heures. Le directeur de cabinet ne dépensait pas d’argent public, alors qu’il ne ménageait pas sa peine. Il aimait la langue française et défendait une ligne politique. C’est ce qui m’intéresse. L. 627 traitait de gens anonymes, la Guerre sans nom aussi. Seuls les films historiques sont différents, comme Laissez-Passer où l’on pouvait 
reconnaître les personnages de Jean Devaivre ou Jean Aurenche. Même le statut d’Autour de minuit n’était pas si simple. Je ne suis pas très intéressé par le biopic. Du coup, ici, il n’y avait pas besoin de montrer le président.

    Vous parlez du film dans la joie. Cela a-t-il été un film facile à faire ?

    Bertrand Tavernier. J’ai pris un plaisir énorme à le faire, à commencer celui de retrouver des comédiens comme Niels Arestrup ou Anaïs Demoustier. Il n’y a eu aucune condescendance. J’avais en tête Jacques Becker (le cinéaste – NDLR) et je voulais, à sa suite, aimer les personnages. J’avais envie que les spectateurs soient un peu les locataires du Quai d’Orsay. Qu’il y ait à faire des discours, à citer Héraclite à propos de la pêche aux anchois. Ils en ont bavé mais il n’y a pas de morgue. Ils ont leur franc-parler, comme Dominique de Villepin qui dit qu’on se fait chier au Conseil des ministres, ce qu’on a perdu avec Kouchner. 
Comme il est dit de Villepin, il nous crevait mais, dans son mouvement perpétuel, il amenait des choses. Pour moi, c’était une période où je me faisais des vacances, j’avais une possibilité de me marrer après des films aussi durs que Dans la brume électrique. J’étais complètement détendu, c’était un super film du milieu, sans aucun souci. Tout s’est passé dans un climat jubilatoire. Tous les acteurs adoraient. Ici, contrairement aux films précédents, il n’y a pas eu de problèmes physiques liés à la météo ou au froid. Pour la scène au Conseil de sécurité, on m’avait préparé un casting de figurants impressionnant, où chacun venait vraiment de son pays. Rien n’est inventé. Les figurants ont tous pris très au sérieux leur personnage, comme celui qui fixe le délégué américain, ou le Chinois impénétrable. De surcroît, j’ai pu tourner partout, sauf au Bundestag, car c’est interdit. Il m’a suffi de onze jours au Quai d’Orsay, le reste, ce sont des appartements. Je tourne toujours vite car c’est comme cela que l’on trouve les meilleures idées. Regardez le truc incongru lié à l’Iowa. J’en voulais un, mais sans savoir lequel. Cela a renvoyé à Sur la route de Madison, qui a renvoyé à Meryl Streep. C’est un vrai truc de comédie, qui fait beaucoup rire et qui s’appelle « comment démotiver une fourmilière ».

    Vous êtes content de vous, donc ?

    Bertrand Tavernier. Oui. Je sors du festival de Lyon (lyonnais de naissance, Bertrand Tavernier est le président de l’Institut Lumière – NDLR), qui a été un triomphe. Vous rendez-vous compte, 92 % de fréquentation pour du cinéma de patrimoine ? Je viens de faire publier, chez Actes Sud, deux romans sur l’Ouest extraordinaires, Terreur apache, de W. R. Burnett, et Des clairons dans l’après-midi, d’Ernest Haycox. Le film est un désastre mais pas le livre, qui prouve que la littérature western avait de grands romanciers. Enfin, il y a tous ces films que j’ai pu montrer à Lyon, comme le Président, d’Henri Verneuil, dans lequel on entend Jean Gabin dire, en 1961 : « Je suis pour l’Europe des travailleurs, contre l’Europe des actionnaires. » Ou des films de Michel Audiard, qui était beaucoup moins de droite qu’on pouvait le croire, sinon dans la provocation. Il y a toujours eu dans son œuvre des pulsions sociales, libertaires.

    Publié par l'Humanité

    • La bande annonce :

    Quai d’Orsay, de Bertrand Tavernier. France. 1 h 53. Un ministre survolté, véritable pile électrique, aussi facilement porté par la bravoure bravache que s’il jouait un mousquetaire d’Alexandre Dumas, tel est 
le personnage qu’incarne Thierry Lhermitte dans 
la première comédie 
de Bertrand Tavernier issue d’une bande dessinée. L’observation sociale fait mouche et les mœurs n’ont guère changé dans ce portrait 
de famille (politique) où 
le culte du verbe tient souvent lieu d’action, ou, à tout 
le moins, d’incantation. Entourant dignement le maître, 
les seconds rôles sont formidables. On rit franchement et de bon cœur à cette évocation d’un passé récent.

  • CINe-E-Mosaïque : Brune / blonde

    Coffret « Brune/Blonde » (Étreintes brisées, Mulholland Drive, le Mépris, 
Belle de jour), 4 DVD, Studio Canal, 24,99 euros.

    Pour accompagner l’événement de la Cinémathèque française, « Brune/Blonde », une exposition art et cinéma, concoctée par le critique 
et enseignant Alain Bergala, et visible jusqu’au 16 janvier prochain, ce coffret rassemble quatre œuvres de choix, marquées par le talent particulier de cinéastes pour filmer 
les actrices, leur plastique, 
et donc, bien sûr, cette véritable usine à fantasmes que constitue leur chevelure. Marilyn Monroe ou Brigitte Bardot seraient-elles devenues les icônes que l’on sait, affublées d’une autre couleur de cheveux ? À cette question implicite qui sous-tend l’exposition, Alain Bergala répond clairement non. Car l’imaginaire a aussi ses modes. « Aux débuts du cinéma, la séductrice fatale, c’est la brune, explique-t-il. 
Puis, vers la fin des années 1930, les rôles s’inversent : 
les brunes réintègrent l’espace domestique tandis que 
la blonde s’impose. »

    Hitchcock fut sans doute le cinéaste qui poussa le plus loin cette obsession capillaire : comment oublier en effet 
le chignon de Kim Novak dans Sueurs froides ou les boucles blondes de Grace Kelly dans 
Le crime était presque parfait ou la Main au collet ? Toutefois, Godard et Bunuel, dans 
les années 1960, Lynch 
ou Almodovar, aujourd’hui, ont aussi montré de belles dispositions dans cet exercice. Brouillant parfois les cartes, 
en utilisant perruques et autres postiches. Un bonheur pas 
du tout tiré par les cheveux !

    Article publié par l'Humanité