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  • Un Nobel d'économie flingue le virage «scandaleux» de Hollande

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    L'économiste keynésien Paul Krugman, consacré en 2008, s'en prend vivement aux nouvelles orientations économiques du chef de l'Etat. Qui enregistre le soutien d'Angel Gurria, très libéral patron de l'OCDE...

    Dans la foulée de la conférence de presse de François Hollande, le gouvernement a assuré le service après-vente du virage économique du chef de l'Etat. «La politique de l’offre n’est ni de droite ni de gauche, elle est aujourd’hui nécessaire», assure ainsi Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, dans Les Echos.«L'idée que la gauche c'est dépenser, est dépassée (...) Nous avons d’emblée mené une politique réformiste, il nous faut maintenant entrer dans une nouvelle étape», ajoute Pierre Moscovici, ministre de l’économie dans Le Monde. Une nouvelle étape qui s’annonce justement désastreuse, rétorque Paul Krugman, dans une tribune au vitriol publiée ce matin par le New York Times.

    hollande,économie,prix nobel,paul kurgmanLe Prix Nobel d'économie 2008 rappelle ainsi qu’il ne s’était pas attardé sur le cas français depuis qu’il était devenu clair que François Hollande «n’allait pas rompre avec l’orthodoxie des politiques d’austérité destructives à l’œuvre en Europe» qui conduisent pourtant «à des résultats désastreux» depuis quatre ans. Mais les derniers choix présidentiels représentent selon lui quelque chose de «scandaleux»: embrasser «des politiques économiques de droite pourtant discréditées». «Oui, des conservateurs sans coeur et butés ont mené la politique, mais ce sont des politiciens de la gauche modérée, mous et brouillons qui les ont encouragés et leur ont facilité la tâche», torpille Krugman. (Photo AFP)

    «Effondrement intellectuel»

    La conférence de presse de François Hollande le plonge dans un profond sentiment «de désespoir». Car, en reprenant littéralement à son compte l’erreur pourtant depuis longtemps démystifiée de Jean-Batiste Say selon laquelle «c’est l’offre qui crée la demande», le chef de l’Etat adopte, selon Krugman, une doctrine discréditée. Le signe, selon lui, de la faillite de la (centre) gauche européenne.

    Krugman n’a jamais été un grand fan de François Hollande. Mais il a parfois pris la défense de l'Hexagone, comme après la décision «idéologique» de l’agence Standard & Poor’s de dégrader la note de la France une nouvelle fois, en novembre 2013. Il saluait alors le choix élyséen de «d’équilibrer son budget en relevant les impôts au lieu de sabrer dans la protection sociale». Et rappelait au passage que la France avait une meilleure performance de PIB par habitant que celle du Royaume-Uni, ainsi qu'une dette publique largement inférieure.

    C'est un Krugman désabusé qui rappelle désormais : «Quand Hollande est devenu le président de la seconde économie de la zone euro, certains d’entre nous espéraient» qu’il aurait pu prendre des positions non orthodoxes. Las, «il est au contraire tombé dans la posture habituelle, une posture qui se transforme désormais en effondrement intellectuel. Et c’est ainsi que la seconde grande dépression de l’Europe va continuer».

    Si Hollande perd, sinon un ami américain, du moins un intellectuel de gauche qui l'a (presque) soutenu, il se rapproche d'une figure mexicaine libérale - en l'occurrence Angel Gurria, secrétaire général de l'OCDE. L'organisation s'est fendue d’un communiqué pour saluer la mue du chef de l’Etat français, saluant des mesures «très encourageantes, tant par la détermination affichée que par le fond des mesures envisagées». L'OCDE appelle toutefois à «aller au-delà» de la baisse des charges pour «restaurer les marges», «financer l’investissement» et «redresser la compétitivité». La volonté de rationaliser l’organisation territoriale, elle, est perçue comme «un volet essentiel de l’assainissement budgétaire». Et l'institution n’hésite pas à préconiser «la réduction des dotations de l’État aux collectivités réfractaires aux fusions.»

    Christian LOSSON Libération