Patrick Le Hyaric, l'eurodéputé patron de presse (05/05/2014)

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EurActiv.fr publie une série de portraits de candidats aux élections européennes. Patrick Le Hyaric, candidat du Front de gauche pour l'Ile de France, inaugure la série.

C’est un cas à part au Parlement européen où il siège depuis 2009. Patrick Le Hyaric est le seul eurodéputé à être aussi patron de journal. Il dirige le journal L’Humanité depuis 2000.

Empêcher le journal créé par Jaurès de mourir n’a pas été une mince affaire. Le journal et le Parlement se bousculent un peu dans son emploi du temps, sans se croiser. « Au journal, je ne parle pas de mon activité au Parlement européen…de toute façon ils font ça très bien ici » assure l'élu. Et s'il rempile comme candidat tête de liste du Front de Gauche pour la région Ile de France, il fait la part des choses entre les deux missions.

Car à « L’Huma », l’heure est moins aux idées qu’à la gestion.

« Je ne suis pas le Medef ! »

« J’ai du batailler pour remettre le journal à l’équilibre. Avec une souscription, avec les suppléments et les aides à la presse, on y est.  Mais c’est pas facile de faire bouger les choses, les gens. Des fois les représentants syndicaux me disent « tu es le Medef »…mais je ne suis pas le Medef ! ».

Un comble pour un homme encarté au PC depuis ses 14 ans.  Patrick Le Hyaric est tombé dans le communisme tout petit, et en Bretagne.

Son père était déjà militant, à Lignol, une bourgade de 900 habitants qui rassemblait pas moins de 3 cellules du PC- à l’époque. « C’est une forme de communisme épris des valeurs de justice sociale du catholicisme. La Bretagne est devenue rouge parce qu’elle était pauvre et dépeuplée. Les gens ont dû vivre en communauté resserrée pour s’en sortir, ils ont été sabotiers, ils ont travaillé dans les mines d’ardoise, et ils s’entraidaient aussi dans les champs…et ils parlaient, le soir à la veillée. Communiste, on l’est au sens de « partageux ».

Racines agricoles

L’URSS, le PC soviétique, il n’y a jamais vraiment cru. Quand il adhère, c’est en réaction à la guerre du Viet Nam, alors que la militante pour les droits de l’homme Angela Davis est emprisonnée aux États-Unis. Mais ce qu’il aime, c’est la terre. Il opte pour le lycée agricole, et tente de rester au plus près de ses parents, même si le militantisme prend rapidement le dessus, que ce soit à l’armée ou au lycée, et que c’est finalement son frère qui reprendra la ferme de ses parents.

Mais l’agriculture a toujours été son dada. Conseiller municipal de Lorient, il est rapidement intégré à la Commission nationale d’Agriculture du Parti communiste, et gravit les échelons à reculons. « Je voulais rester en Bretagne, moi…et puis finalement, on m’a promis que je venais pour une mission de 18 mois auprès d’André Lajoinie. J’ai travaillé avec lui pendant 17 ans. » Sur les sujets agricoles, surtout, avec la PAC, et puis la mondialisation, qui devient un de ses chevaux de bataille, alors qu’il est chargé des relations avec le Parlement pour le PC, et qu’il assiste Lajoinie dans son travail de député. 

Transpositions "a minima"

« On travaillait beaucoup sur des transpositions de directives européennes, dans les années 1990. Ce qu’on tentait, c’était des transpositions « a minima », comme pour la directive électricité. Quand Robert Hue lui demande en 2000, de reprendre le journal, il tombe des nues. «Je n’étais pas un intello au sens de mes prédécesseurs ! Je n’étais pas un manager non plus. Mais L’Huma était en situation de faillite économique, et avait perdu son image et son lectorat, alors…voilà. Et c’est passionnant, la créativité d'un journal ! »

Après 14 ans à  la tête du journal, le candidat du Front de Gauche ne se voit pas continuer durant les 5 prochaines années, s'il est réelu le 25 mai. Il se voit s'impliquer plus dans le travail de parlementaire,  les réformes nécessaires.

Réformer l'Europe

« J’ai beaucoup de respect pour les autres députés avec lesquels je travaille, comme les eurodéputés socialiste, ils sont socio-démocrates. Le président de la République ne l’est plus ».

Mais l’Europe dont il rêve est encore loin. « Il faut confier le pouvoir d’initiative législative au Parlement européen. Et le président de la Commission doit être élu au suffrage universel. On y va vers ce système, mais il faut accepter les compromis pour y aller. Et puis il faut faire participer les autres organes européens : le Conseil Economique et Social Européen, le Comité des Régions ont beaucoup à apporter. En les intégrant plus, on pourrait apporter beaucoup».

A plus court terme, il opte pour le pragmatisme dans son travail de parlementaire, loin des positions radicales de son allié Jean-Muc Mélenchon au sein du Front de Gauche, qui rassemble Parti communiste et Parti de gauche pour les élections européennes.

Alliances progressistes au Parlement européen

«En admettant qu’Alexis Tsipras (le candidat de la gauche radicale, NDLR) n’ait pas la majorité des voix » dit-il avec un sourire, « et au second ou au troisième tour s'il fallait choisir en Schulz et Bové, on fera un choix. Mais il ne faut pas faire n’importe quoi. Nous pouvons négocier un programme d’actions communes. Au Parlement européen, ca marche, on peut faire des alliances progressistes. »

Il pense aux hypothèses qui permettraient d’assouplir la politique économique rigoriste menée par l’UE. Comme les Allemands ne voudront sans doute pas de réforme de la BCE, la solution de création d’un fonds public qui puisse acheter de la dette des Etats ou intervenir en cas d’urgence a sa préférence. Il aurait bien vu le fonds combler le déficit de financement d’Alstom, plutôt que de voir l'entreprise dépecée, par exemple.

«Je suis un jauressien, ce qu’il dit c’est qu’il faut aller chercher le bon chemin, toujours, et s’y engager. Mais maintenant l’Europe a adopté celui de la régression. Ce n’est clairement pas la bonne voie » conclut le candidat.

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